Kazuo Ishiguro (石黒 一雄, Ishiguro Kazuo?), né le 8 novembre 1954 à Nagasaki, est un exemple de l’internationalisation culturelle du Japon. A l’âge de six ans ses parents (tous deux japonais) décident de s’installer en Grande-Bretagne qu’il ne quittera plus alors. De nationalité japoanise, il écrit en langue anglaise ; même ses œuvres comprennent d’incessante référence à sa culture d’origine ; soit par les thèmes (ces deux premiers romans se passent au Japon), soit par le style littéraire basé sur du « non-dit ».
Il confiera avoir toujours gardé le choc de son départ du japon : « Ce choc émotionnel, cette césure brutale expliquent que j’aie conservé tant de souvenirs de Nagasaki. Je me rappelle nettement notre maison, mes jouets, les films qu’on m’emmenait voir et qui m’effrayaient. Enfant, je me repassais ces images en boucle. Peu à peu, tout ça s’est mélangé à un Japon fictionnel qui rôdait dans ma tête. Jusqu’à ce que je sente qu’il était urgent de fixer ces émotions, réelles ou inventées, avant qu’elles ne s’effacent à jamais. »
Il est connu du grand public depuis 1989 avec la parution des « Vestiges du Jour », qui connaitre un succès planétaire et une adaptation éponyme par James Ivory en 1993 avec Anthony Hopkins et Emma Thompson
Dès lors, l’écrivain aura beau se renouveler sans cesse dans les choix de ses thèmes, il aura beau montrer une époustouflante habileté à changer de technique et de décor – allant jusqu’à flirter avec la science-fiction en imaginant une colonie de clones élevés pour donner leurs organes, dans Auprès de moi toujours (Les Deux Terres, 2006) ou explorant une sorte d’entre-deux de l’histoire britannique, à la fin de l’Empire romain dans Le Géant enfoui (Les Deux Terres, 2015) –, ce fil conducteur de la mémoire, lui, sera toujours là.
« Je suis un drogué de la mémoire », confiait Ishiguro à propos du Géant enfoui. « Je cherche à comprendre comment les sociétés (et non plus les individus) décident d’oublier. Quand il est plus approprié pour une communauté de faire remonter les épisodes traumatiques de son histoire et quand il est préférable de les maintenir enterrés pour ne pas tomber dans la guerre civile ou la désintégration. »
Cette question le hante depuis la dislocation de la Yougoslavie et le génocide rwandais. « Je me suis demandé comment le souvenir de haines passées pouvait être réactivé pour mobiliser de nouvelles vagues de violence. C’est la mémoire donc, mais aussi sa manipulation délibérée qui m’intéressent. »
Pour épouser la « flexibilité » du souvenir, la phrase d’Ishiguro a toujours un côté un peu flouté, comme sur une photo bougée. Cela lui permet, d’une phrase à l’autre, d’associer les pensées de ses personnages comme dans un collage. De jouer sur le doute : « Tout ce qui est supposé vrai peut devenir irréel et vice versa. »
Fluide, son style est aussi musical. Ce n’est pas un hasard. Aujourd’hui, à côté de ses livres, où la musique joue souvent un rôle-clé, comme dans Cinq nouvelles de musique au crépuscule, il écrit aussi des chansons, notamment pour la chanteuse de jazz américaine Stacey Kent.
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